mercredi 7 novembre 2007

conseil de lecture.



Lire les deux bouquins de Joe KEENAN :

- un mariage à la mode.
- le retour d'Elsa Champion.

il ne fera pas rire que les gays mais aussi les fan de jet-set destroy.


Né en 1958, Joe Keenan appartient à la jeune génération des romanciers américains. Parolier musical et scénariste, il s’inscrit résolument dans la tradition du non-sens et de l’absurde, jeune héritier de l’anglais P-G Wodehouse. Marxiste tendance Groucho, son univers déjanté est celui des milieux artistiques et mondains des bobos new yorkais ; ses héros Gilbert Selwyn (romancier sans écriture) et Philip Cavanaugh (parolier de comédies musicales rarement jouées), homosexuels et légers, se perdent dans d’invraisemblables aventures où les entraînent à la fois leur goût des hommes et leur manque chronique d’argent. Pleins de bonnes intentions, qu’ils oublient dès que passe une jolie silhouette masculine, ils sont régulièrement tirés du pétrin dans lequel ils plongent allégrement, par Claire Simmons, associée de Philippe, brune rondelette, peu sexy mais intelligente pour trois.Un mariage à la mode, paru aux Etats-Unis en 1988, n’a été publié en France qu’en 1997. Il est réédité aujourd’hui en 10/18, Domaine étranger. Dans un style alerte, avec de constants rebondissements et un vrai sens du dialogue, du comique et du récit, refusant obstinément tout souci de vraisemblance, Joe Keenan jette ses personnages, insouciants et fauchés, dans une intrigue qui les oppose à la mafia… Ils ne sont évidemment pas de taille ! Mais…Le point de départ est un mariage blanc monté par Gilbert Selwyn et une jolie garce, Moïra Finch, pour améliorer leur ordinaire en se redistribuant les cadeaux, une fois le divorce consommé, après un délai raisonnable pour que les familles ne flairent pas l’escroquerie. De mensonges éhontés en catastrophes provoquées, le récit hilarant des multiples épisodes est raconté par Philip, ami de Gilbert. Entre deux stratégies précaires, nos héros passent de cocktails en soirées mondaines, draguent les serveurs des traiteurs, tentent le chantage, sont victimes de chantage, vivent dangereusement sans toujours le savoir. L’ensemble, irrésistiblement drôle, raconté avec un sérieux imperturbable, évoque à la fois ces films muets visionnés en accéléré et les comédies du meilleur Hollywood. Une lecture salutaire à prolonger par le second roman de Joe Keenan : Le Retour d’Elsa Champion.
Si un épithète devait résumer Le Retour d’Elsa Champion, burlesque serait celui-là! Car tout, dans ce roman, réside dans le décalage et la théâtralité, l’excès frisant la bouffonnerie, la blague ou la drame au sens le plus soap opera et gay (la plupart des protagonistes le sont ici) du terme ! Elsa Champion, excessive épouse d’un baron de l’immobilier réputé pour des édifices aussi tape-à-l’œil que ridicules, se lance dans la chanson. Peu importe le talent – qu’elle n’a pas ! – l’argent est là pour suppléer aux gammes cassées et diapasons absents. Elle engage, pour un tour de chant destiné au gratin new-yorkais, Gilbert Selwyn, parolier notoire ayant l’art de se trouver dans les situations les plus improbables, ici comme agent double pour deux milliardaires en gué-guerre : Champion et Boyd Larkin. Arrêtons-là l’exposé de l’intrigue ; elle n’est qu’un prétexte au déploiement de caractères dignes de cartoons et à la succession de scènes franchement hilarantes. Au risque, même, de se retrouver pris d’un fou rire solitaire en lisant le roman dans les transports publics ! Joe Keenan saupoudre en effet le récit de moments forts, proprement spectaculaires dans leur rythme et leur excès. La représentation d’Elsa devant le tout-New York n’est pas le moindre mais d’autres la valent largement. Evoquons simplement la réunion de Gilbert, un acolyte et la soeur d’Elsa, nue, sous le bureau de Champion alors que monsieur reçoit madame en priant tous les saints qu’elle ne comprenne pas qu’il s’adonnait avec la cadette aux joies de l’adultère, version fessée !On sourit donc et l’on rit même au fil de ces 400 pages. Même si la fin, comme au théâtre souvent, apparaît comme conventionnelle, voire artificielle, il faut se lancer dans cette aventure made in Manhattan, et s’amuser de cette jet-set cruelle et aberrante, que Keenan nous dépeint avec un sens consommé de l’image.
MICHAEL NAVA
http://fr.wikipedia.org/wiki/Michael_Nava
L'avocat mène l'enquête
Sous une pluie de flammes de Michael Nava. Sixième et avant-dernier volume de la série de romans policiers que publia, dans les années 1990, Michael Nava, Américain d'origine mexicaine, gay et longtemps avocat au barreau de San Francisco. Tout comme son héros, son double, Me Henry Rios. Lequel s'est spécialisé dans les affaires qui impliquent des homosexuels. C'est dire qu'à chaque fois que se présente à lui une histoire bien louche, bien sanglante, où la police outrepasse ses droits, où la justice piétine et où un membre de sa communauté subit des menaces racistes et/ou homophobes, Rios intervient, vole au secours du faible et de l'opprimé avec une ténacité, un courage sans faille. Il y a du Zorro chez cet homme qui n'hésite pas à risquer sa réputation, sa vie même, pour aider son prochain.
Dans Sous une pluie de flammes, Rios, contacté pour assurer sa défense par Alex, un jeune gay prétendument acteur, accusé de meurtre, va se trouver pris dans un piège redoutable : Alex est retrouvé sauvagement assassiné et son avocat, qui l'a vu le dernier, soupçonné par la police. Rios va devoir se battre sur tous les fronts pour prouver sa propre innocence et démasquer les vrais coupables.
Michael Nava, qui hélas semble avoir mis fin à sa carrière littéraire, se révèle comme un maître du polar d'atmosphère, situé au coeur d'un Hollywood qui ressemble souvent au sixième cercle de L'Enfer de Dante.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Pascal Loubet. Éditions du Masque, 431 p., 18 €.


JOSEPH HANSEN.
Né le 19 juillet 1923, Joseph Hansen commence à écrire de la poésie dans le New Yorker en 1952.Radio, magazine, il agit pour la cause homosexuelle, sujet tabou et mal vu qui l’obligera à écrire ses premières nouvelles sous des pseudonymes. Il se marie en 1943, à l’âge de 20 ans, avec Jane Bancroft, artiste lesbienne, avec laquelle il aura une fille (qui se fera opérer pour devenir un homme).Il meurt le 24 novembre 2004.
Un commentaire supplémentaire :

C’est en 1970 que Dave Brandstetter voit le jour, dans un premier roman, Un Blond Évaporé (réedité sous le titre Le Poids du Monde). Enquêteur à Los Angeles dans la société créée par son père, Medallion, il vérifie les cas de décès suspectés d’arnaque à l’assurance. Cette série comporte douze histoires dans lesquelles le lecteur accompagne le héros qui vieillit sur une vingtaine d’années."Si j’ai choisi de faire de Dave un homosexuel amené à enquêter dans de semblables milieux, c’est d’abord parce que le roman noir les a traités de manière infâme — y compris des gens comme Chandler ou Ross Mac Donald — et aussi parce que les préjugés et les idées reçues à leur sujet doivent être combattus énergiquement. Je voulais montrer les homosexuels tels qu’ils sont non tels qu’on les caricature."Hansen, lui-même homosexuel (terme qu’il préfère à "gay") n’est pas pour autant propagandiste. Il souhaite avant tout raconter des histoires et faire sortir des clichés homosexuels. Pour cela, il dote son héros des qualités reconnues "masculines" au contraire de ces portraits d’homosexuels convenus, frivoles et parlant haute couture. C’est cette approche qui est vraiment nouvelle pour l’époque.La série des Brandstetter a fait le succès d’Hansen, mais il ne faut pour autant pas négliger ses autres productions (comme le très noir Pente Douce, le recueil de nouvelles Le Livre de Bohannon ou encore En Haut des Marches situé en plein Mccarthysme), que l’on trouvera également, au gré des traductions françaises, chez Rivages, Folio ou à la Série Noire.

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